- https://climateinstitute.bmo.com/static/images/clock-icon.svg 5 Minute Read
- Écouter
- Arrêt
- Texte plus grand | Plus petit
L’Amérique du Nord peut-elle devenir un haut lieu de l’extraction des minéraux critiques? La question a été posée à une table ronde d’experts de l’industrie à la 32e Conférence mondiale annuelle sur les mines, métaux et minéraux critiques de BMO.
Animée par Michael Torrance, chef de la durabilité à BMO Groupe financier, la table ronde réunissait Susan McGeachie, cheffe de l’Institut pour le climat de BMO, Remi Piet, cofondateur et associé principal d’Embellie Advisory, Eugene Lei, vice-président principal et chef des finances de Hudbay Minerals, et Jeff Hanman, vice-président principal, Durabilité et affaires extérieures de Teck Resources Limited.
Michael Torrance a ouvert la discussion en mentionnant que 61 % des participants de la conférence estimaient que la production de minéraux critiques s’accélérait moins vite en Amérique du Nord que dans les autres grandes régions ressources du monde. Il a demandé aux panélistes s’ils étaient de cet avis ou non, et pourquoi.
Face à l’augmentation rapide de la demande de minéraux critiques comme le lithium, le graphite, le cuivre et les terres rares, les panélistes ont convenu que l’Amérique du Nord devait en faire davantage pour devenir un fournisseur stratégique de ces produits de base de demain.
« Nous nous sommes dotés de systèmes de gouvernance et de normes de durabilité de calibre mondial, mais comment en tirer un avantage concurrentiel? », s’est demandé Eugene Lei, dont la société minière diversifiée canadienne produit surtout des minéraux critiques comme le cuivre et le zinc et de l’or, et applique les normes de l’initiative canadienne Vers le développement minier durable (VDMD) à l’échelle de ses activités mondiales.
Adopter les pratiques ESG
Eugene Lei est d’avis que l’avantage de l’Amérique du Nord réside dans l’application des pratiques ESG (environnement, société et gouvernance) et dans la capacité de trouver des matériaux d’une façon durable et avantageuse pour les populations des régions où les entreprises exercent leurs activités. « Vous devez absolument vous intégrer au tissu social et économique des communautés où vous travaillez, a-t-il affirmé. Par conséquent, c’est en produisant des matériaux d’une manière plus éthique et plus socialement responsable que vous pourrez en obtenir un prix plus élevé. »
Dans le cadre de son engagement de durabilité, Hudbay Minerals cherche aussi des façons de ne pas délocaliser les chaînes de production de ses activités nord-américaines. Ainsi, l’entreprise prévoit de produire du cuivre cathodique pour la chaîne d’approvisionnement américaine à l’endroit même où elle va opérer une nouvelle mine de cuivre en Arizona. « C’est quelque chose que les gens exigent, a-t-il précisé. D’ici la fin de la décennie, nous devrons absolument offrir de tels produits à valeur ajoutée pour réduire l’empreinte carbone de notre exploitation, en plus d’épargner les 750 millions de dollars que nous aurions dû dépenser pour faire traiter ce minerai outre-mer pendant la durée de vie de la mine. »
Un meilleur accès aux ressources
Remi Piet, dont la société aide les investisseurs internationaux à placer leur argent dans des mines et d’autres projets sur le continent américain et ailleurs dans le monde, a indiqué que l’Amérique du Nord possède actuellement trois avantages stratégiques sur les autres pays : l’accès aux ressources, la capacité financière de développer les mines et l’exploitation, ainsi que la capacité technologique d’innover. Il a toutefois ajouté que d’autres régions, comme l’Arabie saoudite et l’Europe, allaient combler leur retard, surtout sur les deux derniers plans.
Pour avoir une longueur d’avance, le Canada et les États-Unis doivent mieux développer leurs ressources qui sont assez abondantes, surtout en ce qui a trait au lithium, au nickel et aux autres matériaux en demande pour les batteries. « Le problème en est plutôt un d’accès aux ressources, a précisé Remi Piet. Le manque d’investissement dans la mise en valeur de ressources inexploitées et dans les nouveaux projets d’aménagement depuis quelques décennies a fortement limité la capacité de l’Amérique du Nord d’exploiter et de produire des minéraux en comparaison d’autres parties du monde. »
La tendance pourrait toutefois être en train de s’inverser, a-t-il ajouté, notamment aux États-Unis avec l’adoption récente de la loi sur la réduction de l’inflation qui prévoit des mesures incitant les particuliers à acheter des véhicules électriques (VE) et les entreprises à fabriquer de tels véhicules au pays. « Cette loi confère à l’Amérique du Nord un fort pouvoir d’attraction sur l’ensemble du secteur », a-t-il mentionné, en soulignant que le fabricant de batteries Northvolt envisage maintenant d’affecter aux États-Unis des ressources auparavant destinées à l’Europe.
Accélérer l’obtention des permis
Selon Jeff Hanman, l’Amérique du Nord tire son avantage concurrentiel de l’abondance de ses ressources, de sa stabilité politique et de la robustesse de ses infrastructures; cependant, le continent doit surmonter un défi de taille avant de pouvoir devenir un chef de file des minéraux critiques : la complexité de l’obtention des permis. Les entreprises peinent à « avoir accès rapidement à ces ressources », a-t-il expliqué.
Le problème vient en partie du fait que les facteurs ESG qui stimulent la demande de minéraux critiques peuvent aussi limiter l’offre en compliquant l’accès aux ressources dont l’extraction doit se faire de façon plus durable. « Si vous voulez décarboner rapidement l’économie, cette offre de minéraux doit être au rendez-vous, sans quoi la démarche sera trop coûteuse pour être réalisée dans un délai raisonnable, a-t-il souligné. Cependant, en plus de vouloir ces minéraux, les gouvernements et le public s’attendent à ce que leur production ait un impact environnemental et social beaucoup plus limité qu’avant. Les entreprises doivent donc relever le défi d’accroître l’offre tout en réduisant l’impact de leurs activités. »
Ce dilemme ne peut être résolu qu’en innovant pour trouver des façons de produire davantage de minéraux en émettant moins de carbone. À cet égard, Jeff Hanman se réjouit qu’un grand nombre d’entreprises tâchent de rendre l’exploitation minière plus positive pour la nature, non seulement en réduisant leurs émissions, mais aussi en favorisant la biodiversité. Teck Resources est une des sociétés qui ont pris un tel engagement envers la nature, pour améliorer le monde et répondre aux attentes croissantes des agences de réglementation et des parties prenantes.
« Quand il est question d’un projet de mise en valeur des ressources, les inquiétudes des communautés locales portent surtout sur les effets éventuels de cette activité sur l’environnement. Si vous apportez dès le départ une réponse crédible à ces préoccupations, vous pourrez peut-être dénouer certains obstacles entourant l’obtention de permis et tirer parti des avantages inhérents à l’Amérique du Nord. »
L’énergie propre offre une occasion à saisir
Susan McGeachie a insisté sur l’expérience du secteur nord-américain des marchés des capitaux dans le financement des mines et des métaux, et sur la façon dont le secteur financier collabore avec l’industrie minière pour formuler des normes ESG crédibles qui faciliteront l’évaluation de la performance ESG des entreprises par les banques et les investisseurs. « Cette coopération étroite entre les marchés des capitaux et l’industrie peut donner un avantage au Canada et aux États-Unis », a-t-elle souligné.
Susan McGeachie a aussi mentionné que les États-Unis et le Canada avaient l’occasion de se distinguer par une exploitation minière à faibles émissions de carbone. Les deux pays émettent environ 30 % moins de gaz à effet de serre que les autres pays riches en ressources pour produire des métaux et des minéraux, a-t-elle noté. Cependant, en moyenne, l’intensité des émissions du secteur minier est un peu plus élevée au Canada qu’aux États-Unis. Surprenante de prime abord puisque le Canada produit une électricité plus propre, cette plus forte empreinte s’explique par la dispersion des mines canadiennes sur un immense territoire, qui exige des sources d’énergie produisant plus d’émissions. Pour profiter rapidement de l’avantage concurrentiel des produits à faibles émissions, les deux pays doivent investir davantage dans la production, le transport et la distribution de l’énergie propre, y compris dans les systèmes d’énergie distribuée.
« À l’avenir, l’accès à une électricité propre conférera un immense avantage aux États-Unis et au Canada dans la fourniture de matériaux à faibles émissions, a-t-elle ajouté. Ceci nous permettra d’attirer plus de capitaux pour mettre en valeur ces ressources et peut-être de réduire le coût des capitaux par des produits de financement de la transition. »
Une stratégie nationale
En définitive, pour profiter pleinement de son avantage concurrentiel, l’Amérique du Nord a besoin de stratégies nationales, voire même régionales, d’extraction des minéraux critiques, a souligné Susan McGeachie. Elle a cité l’exemple de l’Australie, où une carte des points névralgiques d’exploitation des ressources a été superposée à une carte des zones écologiquement sensibles indiquant les endroits les plus à risque de contestations communautaires et réglementaires. Cette stratégie a permis aux entreprises d’accélérer la mise en valeur des ressources en priorisant les endroits moins risqués.
L’Institut pour le climat de BMO a effectué le même exercice pour l’Amérique du Nord, en relevant les points névralgiques de mise en valeur, les habitats critiques et les zones les plus à risque de problèmes sociaux et réglementaires, afin de repérer les endroits moins risqués à prioriser. « Cela ne signifie pas forcément que vous ferez une croix sur les zones plus sensibles, a insisté Susan McGeachie, mais cela vous évitera de perdre quatre ans à tenter de faire approuver un projet qui sera finalement refusé parce qu’il est situé dans un habitat critique. »
En définitive, pour développer rapidement les ressources qui abondent en Amérique du Nord, les entreprises devront travailler avec une brochette plus diversifiée d’intervenants et avec les titulaires de droits autochtones, a rappelé Remi Piet. « Nous évoluons vers l’intégration d’un plus grand nombre de parties prenantes dans les projets, a-t-il noté. Une stratégie nationale de mise en valeur des ressources exigera un consensus au niveau local et une meilleure compréhension entre les promoteurs des projets et les autres intervenants pour atténuer le syndrome “pas dans ma cour” qui prévaut actuellement. La création d’un tel consensus, notamment par un cadre ESG robuste, aidera à transformer le secteur minier en permettant de concrétiser des projets innovateurs. »
Featured Publications
La biodiversité mondiale est essentielle à la stabilité de nos chaînes d…
Cette année, BMO pour Elles était fière de participer de nouveau, à tit…
À bien des égards, le moment ne pourrait être mieux choisi pour que les propri&…