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Dans le plus récent épisode de notre balado Sustainability Leaders, je discute de la croissance des risques liés à l’eau pour les affaires et de l’importance d’une saine gérance de la ressource avec Jason Morrison, président du Pacific Institute. M. Morrison est également chef du CEO Water Mandate, une initiative du Pacte mondial des Nations Unies.
« Les risques liés à l’eau, comme la rareté de la ressource ou les inondations, ne cessent d’augmenter, ce qui fait de la question de la gérance de l’eau un sujet vraiment essentiel pour les entreprises, selon M. Morrison. Malheureusement, aujourd’hui encore, de nombreuses entreprises concentrent essentiellement leurs efforts sur les risques liés à l’eau qui affectent leurs propres activités, et elles sous-estiment ces mêmes risques lorsqu’ils affectent leurs chaînes d’approvisionnement, ou même les marchés clés où elles cherchent à vendre leurs produits et services. »
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Transcription
Jason Morrison :
Impossible de bâtir des collectivités plus résilientes sans tenir compte de la question de l’eau. En fait, je dirais que l’eau est un élément clé pour un certain nombre d’autres défis sociétaux auxquels nous faisons face, qu’il s’agisse de la sécurité énergétique, de la sécurité alimentaire, de la réduction de la pauvreté, de la biodiversité ou de l’égalité des sexes. Tout passe par la question de l’eau. On ne peut résoudre aucun de ces défis sans se préoccuper de l’eau.
Michael Torrance :
Bienvenue au balado « Sustainability Leaders ». Je m’appelle Michael Torrance et je suis chef de la durabilité à BMO. Dans cet épisode, nous nous entretiendrons avec des professionnels de la durabilité de premier plan issus du milieu universitaire, des affaires, de l’investissement et des ONG afin d’explorer l’incidence du domaine de la durabilité en évolution rapide sur les pratiques d’affaires en matière de placement à l’échelle mondiale et sur notre monde.
Avis :
Les opinions exprimées dans ce balado sont celles des participants, et non celles de la Banque de Montréal, de ses sociétés affiliées ou de ses filiales.
Melissa Fifield :
Bienvenue à un nouvel épisode de notre série balado. Je m’appelle Melissa Fifield et je dirige l’Institut pour le climat de BMO. L’épisode d’aujourd’hui est axé sur l’intersectionnalité entre l’eau et le climat, et j’ai le plaisir d’être accompagnée aujourd’hui de Jason Morrison, président du Pacific Institute et chef du CEO Water Mandate. Le CEO Water Mandate est une initiative spéciale lancée en 2007 par le secrétaire général des Nations Unies et le Pacte mondial des Nations Unies, en partenariat avec le Pacific Institute, afin de faire progresser la question de la gérance de l’eau par les entreprises partout dans le monde. Bienvenue à notre série de balados, Jason. Merci de prendre quelques minutes pour vous présenter à notre public et nous donner un aperçu de votre travail auprès du Pacific Institute et du CEO Water Mandate.
Jason Morrison :
Merci, Melissa, et merci de m’avoir invité à venir vous parler d’un sujet qui me passionne profondément. Je travaille auprès du Pacific Institute depuis plus de 30 ans. Je m’y suis joint à l’époque en tant que stagiaire, ce qui vous indique à quel point je m’intéresse au sujet de l’eau. Le Pacific Institute est un organisme de recherche non partisan sans but lucratif qui existe depuis 38 ans. Nous nous considérons comme un groupe de réflexion et d’action. Notre mission consiste à trouver des solutions aux problèmes pressants liés à l’eau dans le monde et à favoriser leur mise en œuvre. Il y a environ cinq ans, nous avons établi un objectif à long terme visant à faciliter le virage vers une meilleure protection des ressources en eau pour faire face aux changements climatiques. Nous savions à l’époque que cela deviendrait le problème numéro un, et c’est autour de cette question que nous organisons notre programme de travail. Ce qui fait la singularité du Pacific Institute, c’est que nous travaillons avec un large éventail de décideurs dans le domaine de l’eau, qu’il s’agisse de grandes sociétés mondiales, de services publics municipaux, de gouvernements des États et des provinces, de gouvernements fédéraux ou encore des Nations Unies.
Nous parlons ici d’un très large éventail de parties prenantes, et nous aimons croire que nous avons un niveau élevé de crédibilité auprès de tous ces intervenants, ce qui nous positionne de façon unique pour nous réunir et discuter des enjeux complexes liés à l’eau. Nous adoptons également une approche globale vis-à-vis de l’eau, en tenant compte des dimensions sociale, économique et environnementale de la question. Pour utiliser la métaphore d’un prisme, nous aimons refléter la lumière sur les différentes facettes, car nous croyons que pour trouver des solutions durables aux enjeux concernant l’eau, il nous faut vraiment adopter cette façon globale de comprendre la ressource. L’eau n’est pas une ressource facile à gérer. Depuis ses débuts, le Pacific Institute est axé sur la recherche de solutions. Je me considère comme étant pathologiquement pragmatique, et pour ce qui est des défis mondiaux liés à l’eau, je trouve qu’ils sont passablement complexes. Et le fait d’avoir une organisation comme le Pacific Institute, qui travaille tous les jours sans relâche pour trouver des solutions à ces questions, c’est reconnaître cette complexité.
Il y a 17 ans environ, le Pacific Institute a conclu un partenariat axé sur la gérance de l’eau par les entreprises avec le Pacte mondial des Nations Unies, et pour ceux qui ne connaissent pas le Pacte mondial, il s’agit du plus important réseau de durabilité des entreprises au monde, avec plus de 22 000 entreprises membres. Cette initiative sur la question de l’eau s’appelle le CEO Water Mandate, comme vous l’avez mentionné, et elle regroupe aujourd’hui près de 440 membres qui s’engagent à prendre des mesures pour garantir la pérennité de l’eau. Plus récemment, il y a cinq ans environ, nous avons lancé la Water Resilience Coalition, dont l’objectif est d’inciter les entreprises à travailler ensemble en vue d’atteindre un objectif commun à long terme. Cet objectif que nous visons pour 2030 comporte deux dimensions. L’une d’entre elles consiste à avoir un impact positif sur une centaine de bassins versants en situation de stress hydrique, et lorsque nous parlons d’avoir un impact positif sur l’eau, nous ne parlons pas seulement des enjeux liés à la quantité de l’eau, mais aussi à sa qualité et à sa facilité d’accès pour les communautés vulnérables.
Ces trois enjeux font partie de notre mission et ils représentent ce que nous essayons de faire tous ensemble dans ces 100 bassins, où, en fait, vivent plus de trois milliards de personnes. Ils sont d’une grande importance pour l’économie mondiale. C’est dans ces bassins que la pénurie d’eau est déjà prononcée, et nous nous sommes également tournés vers la modélisation climatique pour voir où les réseaux d’alimentation en eau sont susceptibles d’être les plus touchés par les changements climatiques. L’autre dimension de notre objectif pour 2030 consiste à favoriser l’approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées pour au moins 300 millions de personnes. Ce sont donc là les objectifs de la Water Resilience Coalition et la façon dont nous aidons nos entreprises membres et nos partenaires à collaborer.
Melissa Fifield :
Pathologiquement pragmatique. Je vais m’en souvenir, Jason. Si nous nous penchions un peu plus sur vos partenaires du milieu des affaires, vous pourriez peut-être nous expliquer un peu mieux l’impact pour les sociétés avec lesquelles vous travaillez dans le cadre du CEO Water Mandate. Pourquoi la gérance de l’eau est-elle un problème aussi critique pour les entreprises aujourd’hui?
Jason Morrison :
Les risques liés à l’eau, comme la rareté de la ressource ou les inondations, ne cessent d’augmenter, ce qui fait de la question de la gérance de l’eau un sujet vraiment essentiel pour les entreprises. Malheureusement, aujourd’hui encore, de nombreuses entreprises concentrent essentiellement leurs efforts sur les risques liés à l’eau qui affectent leurs propres activités, et elles sous-estiment ces mêmes risques lorsqu’ils affectent leurs chaînes d’approvisionnement, ou même les marchés clés où elles cherchent à vendre leurs produits et services. Nous appelons certains des néophytes dans ces secteurs des entreprises avec un faible QI en matière de gestion de l’eau. Une erreur qu’elles commettent souvent consiste à considérer l’eau comme un intrant relativement bon marché, sous-estimant ainsi sa valeur réelle. Et quand on commence à réfléchir à la valeur de l’eau lorsqu’il y a perturbation dans l’approvisionnement, aux risques de réputation liés au fait d’être un grand consommateur d’eau dans un contexte où les communautés n’ont pas d’eau potable et où sévit une sécheresse importante, c’est un gros problème, en particulier pour les entreprises qui sont en contact direct avec les consommateurs.
Le lien entre l’eau et la consommation d’énergie représente également un risque important que bien des entreprises ne comprennent pas. La question de la gérance de l’eau s’est donc présentée comme une stratégie d’atténuation des risques pour les entreprises qui comprennent que, pour gérer ces risques, elles doivent non seulement penser de façon proactive, mais aussi penser au-delà du périmètre de leurs usines, pour ainsi dire, car plusieurs des risques dont je viens de parler se manifestent dans le contexte local d’une région en particulier. Cela a beaucoup à voir avec la façon dont l’eau est gérée dans le bassin versant ou, selon le cas, avec la mauvaise gestion, ou la mesure dans laquelle les organismes publics locaux planifient les changements rapides que nous observons en matière de climat.
Melissa Fifield :
Comment le CEO Water Mandate aide-t-il ces entreprises à atteindre leurs objectifs en matière de gérance de l’eau?
Jason Morrison :
Depuis le début de l’initiative, le CEO Water Mandate est une plateforme pour l’apprentissage entre pairs et le partage des meilleures pratiques. En fait, ce qui est le plus intéressant, c’est de voir à quel point la pollinisation croisée des idées et des pratiques peut se faire entre différents secteurs d’activité. Souvent, une entreprise de vêtements est au courant de tout ce qui se passe dans le secteur du vêtement. Mais si elle entend parler de ce qui se passe dans le secteur des boissons ou des produits chimiques, elle est susceptible de mettre en application les apprentissages et les connaissances provenant de ces secteurs. Le CEO Water Mandate a également servi de rassembleur, un réseau mondial permettant aux entreprises et aux ONG partenaires sur le terrain de se réunir pour faire progresser la question de la gérance de l’eau et de mettre au point les outils pratiques permettant de s’attaquer aux problèmes auxquels les entreprises font face dans le domaine de l’eau. Il peut s’agir d’outils d’aide à la prise de décision ou d’un cadre pour agir. Par exemple, nous avons récemment mis en œuvre un cadre sur le concept d’eau positive et ce que cela signifie pour les entreprises.
Il s’agit d’un cadre à l’échelle d’une organisation, qui peut servir d’ambition pour une organisation, mais il peut être adapté au contexte local et être mis en œuvre dans les régions qui connaissent un stress hydrique, où ces enjeux sont les plus pertinents pour une entreprise. Encore une chose au sujet de ce cadre sur le concept d’eau positive. Il comporte trois piliers d’action qui sont pertinents pour presque tous les secteurs d’activité. Nous avons développé les choses ainsi. Le premier pilier concerne l’empreinte opérationnelle, essentiellement l’utilisation efficace de l’eau et sa réutilisation, dans la mesure du possible. Le deuxième pilier consiste à investir pour compenser cette empreinte. Et le troisième pilier consiste à travailler en collaboration avec d’autres parties prenantes dans une région donnée afin d’avoir un impact à grande échelle avec le temps. Ce dernier élément est le plus difficile, mais c’est c’est en même temps le plus important pour s’assurer que ces bassins deviennent plus résilients.
Melissa Fifield :
C’est très intéressant, et je crois que l’approche intersectorielle favorise beaucoup l’innovation. Vous avez mentionné l’importance de l’action collective et de la collaboration entre différentes parties prenantes. Pouvez-vous donner un ou plusieurs exemples de collaboration fructueuse entre des entreprises, des gouvernements et des communautés?
Jason Morrison :
Oui, j’aimerais vous donner quelques exemples, si vous me le permettez, car nous savons que les entreprises peuvent être des initiateurs de changement et d’investissement, mais au bout du compte, l’eau est considérée comme une ressource publique ou une ressource de bien public, et il faudra que les gouvernements finissent par investir pour accélérer les choses. Mais il existe une synergie et c’est vraiment passionnant de voir à quel point les entreprises peuvent jouer un rôle de catalyseur pour faire démarrer les choses. Un des exemples que je donnerais est celui du Fonds pour l’eau de São Paulo, de l’organisme The Nature Conservancy, dans lequel ce sont des entreprises qui ont investi les quatre premiers millions de dollars. Au fil du temps, le Fonds pour l’eau a commencé à interagir avec les régions métropolitaines en aval, et grâce à des changements de politiques, des frais d’utilisation ont pu être imposés pour favoriser la protection des sources d’approvisionnement en eau. Avec le temps, ces changements de politiques ont ainsi permis au fonds de recevoir environ huit fois plus de fonds publics que de fonds privés. C’est un excellent exemple illustrant comment l’investissement initial provenant des entreprises est en mesure de catalyser des investissements beaucoup plus importants.
The Nature Conservancy collabore ensuite avec les agriculteurs en amont pour mettre en œuvre les meilleures pratiques en matière de gestion agricole, et l’organisme multiplie les efforts pour restaurer le couloir riverain, ce qui présente des avantages pour la nature, mais permet aussi de limiter les inondations et d’accroître la quantité d’eau disponible. Voilà donc un excellent exemple d’ONG qui collaborent avec des entreprises et des gouvernements. Le deuxième exemple se trouve ici, en Amérique du Nord, et il s’agit de la California Water Resilience Initiative. Le bureau du gouverneur a effectué une évaluation du climat à long terme pour l’État de la Californie, et selon les conclusions de cette étude, la quantité d’eau disponible devrait enregistrer une baisse allant jusqu’à 10 % d’ici 2040. Je ne veux pas entrer dans de longues explications scientifiques sur la notion d’aridification, mais en gros, il s’agit d’un processus à long terme qui entraîne un assèchement des régions au fil du temps. Ce que nous avons fait dans le cadre de la California Water Resilience Initiative, c’est de se dire que si cette proportion est de 10 %, quelle part pourrait être prise en charge par des sociétés partageant les mêmes idées pour essayer de résoudre le problème au moyen d’un investissement collectif en vue de poser des gestes concrets?
Nous avons établi un objectif quantifiable d’un million d’acres pieds d’ici 2030, et nous élaborons maintenant une feuille de route pour la mise en œuvre d’interventions favorisant des solutions axées sur la nature ou une meilleure efficacité en matière de protection des sources d’approvisionnement en eau en zone urbaine pour nous aider à atteindre cet objectif. Et nous mesurons nos progrès au fil du temps. Bien entendu, tout cela est d’un grand intérêt pour les organismes gouvernementaux de l’État, car nous avons maintenant l’occasion d’inciter les entreprises de la Californie à adhérer à un appel à l’action lancé par le bureau du gouverneur et à ce que ces organismes tentent également d’accomplir. Il y a donc une grande synergie autour du concept de co-investissement et de la possibilité d’accélérer le changement pour que l’État améliore sa résilience dans le domaine de l’eau.
Melissa Fifield :
Ce sont d’excellents exemples. L’eau est souvent considérée comme le canari dans la mine de charbon en ce qui concerne les changements climatiques. Pourriez-vous aider notre auditoire à comprendre ce que cela signifie et comment transposer cela dans des scénarios concrets?
Jason Morrison :
Bien sûr. Une chose que les gens ne savent peut-être pas, c’est que neuf catastrophes naturelles sur dix sont liées à l’eau, et les gens du secteur de l’assurance savent que ces catastrophes naturelles qui surviennent aux États-Unis, par exemple, sont de plus en plus coûteuses, et que cela est dû à l’intensification des tempêtes. Mais la même chose peut être observée à l’autre extrémité du spectre climatique. Vos auditeurs ont sans doute entendu parler de la météo qui se détraque, et ce qui se passe en fait, c’est que nous observons une plus grande variabilité dans les modèles météorologiques, même si les quantités de précipitations ont toujours varié de façon naturelle. On n’observe jamais une année de précipitations normales. C’est souvent soit un peu plus humide ou un peu plus sec, mais ce que nous voyons déjà aujourd’hui, c’est une augmentation des situations extrêmes, qu’il s’agisse d’épisodes de chaleur toujours plus intenses, de périodes de sécheresse prolongées ou de pluies plus marquées, avec des tempêtes qui sont beaucoup plus importantes et intenses que ce que nous avons jamais vu.
Cette idée d’essayer de renforcer la résilience consiste donc à réfléchir à la façon de résister lorsque ces sécheresses durent plus longtemps. Pour ceux qui se trouvent dans l’ouest des États-Unis, pour utiliser un autre exemple dans cette région, il y a environ trois ans, nous avons connu les trois années de sécheresse la plus importante de l’histoire du bassin du fleuve Colorado. Une année de plus ainsi, et il y aurait eu beaucoup de questions sur ce que nous allions faire, et il est question ici d’énormes économies en jeu dans l’Ouest des États-Unis. C’est pourquoi il y a cette expression disant que si les changements climatiques étaient un requin, l’eau serait ses dents, parce que c’est dans ce domaine que la morsure fait mal, et elle fait déjà mal aujourd’hui.
Melissa Fifield :
Quel est le rôle de l’eau dans l’atténuation des changements climatiques? On parle souvent d’énergie renouvelable, mais quel rôle l’eau joue-t-elle dans certaines des autres solutions?
Jason Morrison :
L’eau et l’énergie sont inextricablement liées, et la consommation d’énergie associée à l’eau comprend un large éventail de choses auxquelles les gens ne pensent pas. Pensons au chauffage de l’eau, à son traitement pour qu’elle soit propre à la consommation, à son pompage et à sa distribution, que ce soit dans une ville ou sur de longues distances. Pour reprendre l’exemple de la Californie, le projet d’approvisionnement en eau de l’État est le plus grand consommateur d’électricité de la Californie, et ce projet s’appuie sur l’électricité pour pomper et distribuer l’eau partout dans l’État, principalement depuis le nord, où elle se trouve, jusque vers le sud, où se trouvent les populations. Et dans des endroits comme la Californie, si une ressource, que ce soit l’eau ou l’énergie, fait face à des contraintes ou à des défis, c’est également le cas pour l’autre. Dans un État comme la Californie, qui cherche à atteindre ses objectifs de transition énergétique et à décarboner son économie grâce à une transition vers une énergie propre à 100 %, l’eau jouera un rôle essentiel pour y parvenir.
Le Pacific Institute a publié une étude qui s’est penchée sur l’avenir des liens entre le climat, l’énergie et l’eau en Californie. Celle-ci a révélé que sans la mise en œuvre rapide de mesures visant une utilisation plus efficace de l’eau, les émissions de carbone associées à la consommation d’eau en Californie seraient susceptibles d’augmenter fortement au cours des prochaines années, et qu’elles changeraient également en fonction de l’approvisionnement en eau, de l’augmentation de la population et de la croissance économique. Ces éléments sont donc indissociables, et bien souvent, la meilleure façon d’atteindre les objectifs climatiques passe par l’eau, et il sera très difficile de garantir l’approvisionnement en eau sans tenir compte des questions de la sécurité énergétique et de la transition énergétique.
Melissa Fifield :
De quelle façon le CEO Water Mandate s’appuie-t-il sur les nouvelles technologies pour relever certains de ces défis liés à l’eau?
Jason Morrison :
Au début de ce balado, j’ai parlé de la nécessité pour les entreprises d’agir sur l’eau afin de limiter les risques, mais la question de l’eau représente également une excellente occasion d’affaires pour les entreprises. Les entreprises ont un rôle très important à jouer pour développer des technologies qui améliorent notre compréhension de l’eau, en s’appuyant sur l’intelligence artificielle et sur des technologies spatiales, et je pourrai vous parler de ce que nous faisons dans ce domaine, mais aussi des technologies favorisant la réutilisation de l’eau et nous permettant de mieux comprendre comment elle est gaspillée. Actuellement, les réseaux d’aqueducs municipaux perdent de grandes quantités d’eau dans leurs canalisations qui sont fissurées. Des systèmes d’intelligence artificielle ou d’apprentissage machine très simples nous aidant à repérer ces fuites dans le système nous permettraient ainsi de cibler les investissements pour trouver et économiser l’eau.
Il y a donc beaucoup d’occasions d’affaires dans le domaine de la technologie, et nous avons mis en place un partenariat avec l’Agence spatiale européenne depuis quelques années maintenant, dans le cadre duquel nous travaillons avec nos membres qui collaborent eux-mêmes avec des entreprises en démarrage proposant des solutions sur la question de l’eau, et nous testons la façon dont ces entreprises pourraient faire partie de la solution en s’appuyant sur les technologies spatiales. Nous sommes maintenant passés à une étape où quelques-unes de ces entreprises en démarrage parmi les plus prometteuses obtiennent un deuxième cycle de financement pour pouvoir développer leur travail.
Melissa Fifield :
Nous savons que la mise en œuvre des changements nécessaires à une gestion durable de nos ressources en eau nécessite une volonté politique et souvent un investissement financier important. Selon vous, quels sont les principaux obstacles à la généralisation de ces innovations?
Jason Morrison :
Il est vrai qu’il y a un manque de financement pour s’occuper de l’eau, et nous devrons investir davantage pour relever le défi mondial de l’eau. La Banque mondiale dispose d’un certain nombre de chiffres dont elle pourrait se servir pour évaluer cette carence à l’échelle mondiale. Cela dit, je crois qu’il y a beaucoup de fausses idées sur ce en quoi pourrait consister cet investissement pour s’occuper de l’eau. Lorsqu’il est question de l’eau et des investissements, beaucoup de gens pensent à ces projets d’infrastructures urbaines extrêmement centralisés, aux grandes installations de stockage, aux barrages et aux infrastructures de transport qui distribuent l’eau sur des centaines de kilomètres, mais tout cela ne représente pas nécessairement le moyen le plus rentable d’améliorer la résilience hydrique au cours des prochaines années. Aujourd’hui, on peut voir des stratégies beaucoup plus décentralisées se mettre en place. Par exemple, il n’est pas nécessaire de traiter les eaux usées à un seul et unique endroit. Nous pourrions être en mesure de le faire sur des sites situés à différents endroits, sur des terres privées comme publiques.
Le Pacific Institute a fait beaucoup de recherches qui montrent qu’une gestion efficace de l’eau et sa réutilisation, ainsi que le captage des eaux pluviales, sont les moyens les plus rentables d’augmenter l’approvisionnement en eau dans ces régions. Et ces solutions sont hautement résilientes. L’eau la moins chère, l’eau nouvelle, c’est l’eau que l’on n’utilise pas initialement, et qui ne nécessite pas nécessairement un nouveau barrage. Cela pourrait se faire en réutilisant l’eau sur place et en faisant appel au principe de la circularité, cette idée voulant qu’au lieu d’utiliser l’eau de façon si linéaire, en l’extrayant, en l’utilisant une seule fois puis en l’éliminant, on pourrait commencer à réfléchir à une façon de boucler la boucle. Et on peut boucler cette boucle au niveau macro, mais on peut également la boucler au niveau micro. C’est là que les entreprises ont potentiellement un rôle important à jouer, en investissant dans la réutilisation de l’eau sur place.
Nous avons mené un projet en collaboration avec Google sur son site dans la Silicon Valley pour étudier le potentiel de captage et de réutilisation des eaux pluviales sur place, et surtout, pour voir comment amorcer un dialogue avec leurs homologues des administrations municipales afin de s’assurer que les investissements consentis servent bien à comprendre où se trouvent les forces et les faiblesses du système de canalisations. Il n’est donc pas nécessaire de se tourner vers ces investissements majeurs qui nous viennent à l’esprit quand on pense à l’eau. Les choses peuvent se faire d’une façon vraiment stimulante, c’est-à-dire que les entreprises peuvent innover et agir dans leurs propres installations, mais aussi au sein de leur chaîne d’approvisionnement et au moyen des mécanismes d’action collective dont j’ai parlé plus tôt.
Melissa Fifield :
Vous nous avez donné d’excellents exemples illustrant la façon dont les entreprises s’intéressent à la question de l’eau dans le cadre de leurs activités et dans leurs chaînes d’approvisionnement, et le rôle qu’elles peuvent jouer pour relever certains défis. Quels sont vos principaux conseils aux entreprises pour ce qui est de la gérance de l’eau et de la résilience aux changements climatiques?
Jason Morrison :
Il est impératif pour les entreprises d’agir de façon urgente sur la question de l’eau. Je ne le dirai jamais assez. Tout le monde doit mettre la main à la pâte. J’aime employer la métaphore du coyote, dans le dessin animé, qui continue de courir après avoir franchi le bord de la falaise, mais qui ne tombe pas. Nous n’avons pas beaucoup de temps, et je crois que les gens se disent que rien ne presse, mais les changements dans les systèmes d’approvisionnement en eau dans ces régions en situation de stress hydrique se produisent beaucoup plus rapidement que ce que les scientifiques auraient pu imaginer il y a 10 ou 20 ans. Toutes les couches de la société ont un rôle à jouer, et la communauté des affaires est particulièrement bien placée pour faire avancer les choses rapidement. Cela dit, aucune entreprise ne peut s’attaquer au problème toute seule, car la question du passage à la résilience est un défi systémique, et par conséquent, il nous faut penser à un changement systémique, et donc à un modèle collaboratif car aucune entreprise ne peut y arriver seule. C’est pourquoi nous avons compris que la solution consiste en une collaboration au sein de ces bassins, avec différentes parties prenantes qui peuvent travailler ensemble.
Melissa Fifield :
Avant de conclure, y a-t-il d’autres points clés à retenir ou d’autres éléments que vous souhaitez transmettre à notre auditoire?
Jason Morrison :
Oui. Je dirais que la question de l’eau est pour l’adaptation aux changements climatiques ce que la question de l’énergie est pour l’atténuation des changements climatiques, et ce que je veux dire par là, c’est que les répercussions de ces changements se manifestent déjà ici aujourd’hui, alors il va nous falloir trouver une façon de faire preuve d’une plus grande résilience face à ces répercussions. On peut le voir ici, en Amérique du Nord, et partout dans le monde. Impossible de bâtir des collectivités plus résilientes sans tenir compte de la question de l’eau. En fait, je dirais que l’eau est un élément clé pour un certain nombre d’autres défis sociétaux auxquels nous faisons face, qu’il s’agisse de la sécurité énergétique, de la sécurité alimentaire, de la réduction de la pauvreté, de la biodiversité ou de l’égalité des sexes; tout passe par la question de l’eau. On ne peut résoudre aucun de ces défis sans se préoccuper de l’eau, et c’est pourquoi il est si important et intéressant d’agir sur l’eau, du fait des avantages connexes que nous pouvons en retirer si nous adoptons une approche globale et ambitieuse pour résoudre le problème de l’eau.
Melissa Fifield :
Encore une fois, merci, Jason, de vous être joint à nous aujourd’hui pour nous faire part de votre expertise, et de nous avoir permis d’améliorer notre QI en matière de gestion de l’eau. Et merci à nos auditeurs de nous avoir écoutés. Ne manquez pas nos prochains entretiens, qui nous aideront à comprendre comment nous pouvons travailler tous ensemble en vue de créer un avenir durable et résilient. Merci.
Jason Morrison :
Merci.
Michael Torrance :
Merci d’avoir écouté cet épisode du balado « Sustainability Leaders ». Ce balado est présenté par BMO. Vous trouverez notre émission sur Apple Podcasts, Spotify ou votre lecteur de balados préféré. Cliquez sur le bouton de suivi pour être avisé lorsque de nouveaux épisodes sont publiés. Vos commentaires sont importants pour nous, alors n’hésitez pas à nous laisser une cote, une critique ou tout autre commentaire, ou à consulter le site leadersetdurabilite.bmo.com. Notre balado et nos ressources sont produits avec le soutien de l’équipe Marketing de BMO et de Puddle Creative. Jusqu’à la prochaine fois, merci d’avoir écouté et bonne semaine.
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